Intervention au Conseil régional de Bretagne, le 29 juin 2023, dans le débat sur la modification du SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires).
Mes chers collègues,
Il y a plusieurs débats en un dans les propositions de la majorité au sujet du Zéro artificialisation nette (ZAN).
Le premier est celui de la légitimité même du ZAN : faut-il réduire le rythme de l’artificialisiation des sols pour tendre vers la stabilisation des zones urbanisées ? Certains répondent que non, où bien que 2050, c’est encore trop tôt. Ce qui m’étonne, c’est que ce sont souvent les mêmes qui défendent le maintien des volumes de production agricole en Bretagne. Je trouve qu’il y a un certain paradoxe à accuser les autres de prôner la décroissance tout en défendant, il faut bien le dire, une certaine décroissance de la surface agricole utile.
Pour notre part, nous sommes favorables au ZAN, et aurions d’ailleurs aimé maintenir la date du zéro net à 2040, plutôt que 2050. Il en va de notre potentiel d’autonomie alimentaire, de la protection des espèces animales et végétales de notre pays, du maintien de capacités d’absorption de gaz à effets de serre dans les sols.
On entend dire que le coup de frein sur l’urbanisation serait contradictoire avec la volonté de résoudre la crise du logement, et avec la volonté de réindustrialiser. Sur le premier volet de la critique, regardons la réalité bretonne et la réalité française en face : avec 330 000 résidences secondaires en Bretagne et plus de 3 millions en France, sans compter les logements vacants, nous avons de la marge pour mieux loger la population, si la volonté politique est au rendez-vous. Sur la réindustralisation, osons prioriser : il y a des projets d’usines qui correspondent à des besoins avérés et stratégiques, et d’autres non ; et il y a aussi des espaces artificialisés dont l’usage pourrait être optimisé. Quand je vois qu’à Lannion, l’aéroport sert maintenant essentiellement au parachutisme de loisir, je ne peux m’empêcher de me demander combien d’entreprises nous pourrions installer sur l’emprise de cet équipement, sans consommer de foncier supplémentaire. Les riverains en seraient d’ailleurs soulagés.
Et bien entendu, on l’a vu, le zéro net n’est pas pour tout de suite : il reste encore des enveloppes urbanisables. Leur répartition est le deuxième débat du débat. Là, nus sommes beaucoup plus critique que sur le principe même du ZAN.
Répartir les enveloppes de terres urbanisables entre les territoires de SCOT, c’est un véritable acte politique, structurant pour l’avenir à moyen terme. Non que tout développement passe par le bétonnage. Mais on sait que construire en extension est plus rapide, plus simple, meilleur marché qu’en restructurant l’existant. Tant que le zéro net ne sera pas d’actualité, la répartition des enveloppes urbanisables pèsera sur les capacités d’accueil des territoires, sur leur développement démographique et économique. Répartit ces enveloppes, c’est dire quel équilibre démographique et économique nous voulons pour la Bretagne de demain.
Nous vous avons parfois reproché de ne pas faire de choix clair. Or cette fois, reconnaissons-le, il y a un choix. Mais nous ne le partageons pas.
Sur les 7862 hectares d’enveloppe territorialisée, 992, soit 12 % du total, iraient au seul Pays de Rennes, un territoire qui ne représente pourtant que 4 % de la superficie régionale. C’est aussi un territoire qui a enregistré ces dernières années une croissance particulièrement forte et qui a consommé beaucoup de foncier, avec un taux d’urbanisation global supérieur à la moyenne régionale.
C’est donc le choix de la poursuite des déséquilibres qui nous est proposé ici.
Le télescopage avec le débat sur l’eau est instructif. On entend en effet concentrer la croissance de la population et des activités sur un territoire où l’eau manque déjà, et où elle est plus polluée qu’ailleurs, ce qui n’est pas peu dire. Bien sûr, me direz-vous, on peut pomper de l’eau sur d’autres territoires, et on le fait déjà. Mais il faut souligner que plus d’échanges d’eau, à plus longue distance, impliqueront plus de dépenses, plus de consommations d’énergies, et bien sûr plus de fuites. Là encore, la contradiction avec l’ambition du plan breton pour l’eau est flagrante.
Vouloir limiter l’urbanisation du Pays de Rennes, ce n’est pas être anti-rennais. Bien au contraire, car la population de ce territoire est lasse du bétonnage, elle a sans doute atteint une limite. Rappelons ici les luttes populaires réussies contre le projet Open Sky a Pacé, ou contre le projet Bridor à Liffré. Oui, les habitants du Pays de Rennes aussi ont intérêt à un rééquilibrage des activités et de la croissance démographique à l’échelle régionale, pour ménager leur espace de vie, y conserver des zones agricoles et naturelles, limiter la pression sur l’eau ou sur les réseaux de transport, limiter les pics de chaleur estivaux.
La Bretagne n’est pas la Région parisienne. Les femmes et les hommes qui s’y installent ne cherchent pas à y retrouver le mode de vie francilien, focalisé sur un grand centre urbain unique.
La solidarité entre territoire de Bretagne passera par un équilibre retrouvé. Elle passera notamment par un dimensionnement du développement à venir des territoires à la ressource en eau disponible localement. La proposition de répartition qui nous est faite ici passe à côté de cet enjeu. Elle ne prépare pas l’avenir, mais essaie de maintenir les logiques du passé. Nous proposons un autre choix.
Ci-dessous: l’amendement proposé par Goulven Oillic, collègue conseiller régional du groupe Ecologistes. Amendement rejeté par la majorité.



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