Zone tendue : au-delà de la taxation

On lit dans la presse, depuis quelques jours, de nombreuses prises de position d’élus locaux au sujet de la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, rendue possible par l’extension de la « zone tendue ». Certains se réjouissent de trouver une ressource supplémentaire, d’autres critiquent la mesure, estimant que cette petite hausse de la fiscalité ne résoudra pas le problème du logement.

Il est clair que la majoration, limitée à un maximum de 60 % de la part communale, a bien peu de chances de produire des effets massifs de remise en location à l’année. Il aurait fallu pour cela une taxe plus élevée, et idéalement, corrélée au niveau de richesse des propriétaires. Nous n’y sommes pas encore ! On peut tout de même souligner que les communes peuvent utiliser le surcroît de ressources pour financer su logement accessible. Certaines font ce choix, à l’image de la ville de Plestin, dans le Trégor,qui annonce qu’elle utilisera les 150 000 euros de recettes supplémentaires pour créer des logements sociaux. Son premier adjoint, Yvon Le Brigant, explique aussi que cette majoration « donne un signal fort aux gens. On ne peut plus supporter certaines maisons vides, certaines même pas occupées une semaine par an » (1). Ce n’est certes pas l’avis du maire de Carnac (plus de 70% de résidences secondaires), qui refuse d’augmenter cette taxe et n’envisage donc pas d’en utiliser le produit pour faciliter l’accès au logement, préférant incriminer les mesures de protection de l’environnement qui gêneraient la construction sur la commune. Plus surprenant, le maire de Perros (36% de résidences secondaires), jusque là opposé à la taxation, a fait volte-face en annonçant appliquer le taux maximum! Mais les recettes supplémentaires n’iront pas au logement. Dans un autre registre, le groupe écologiste et citoyen à la Ville de Rennes s’est félicité de la mise en place de la surtaxe… par solidarité avec les autres communes! Il existait en effet un risque non négligeable que des résidents secondaires domiciliés à Rennes (ou ailleurs…) inversent dans leur déclaration fiscale leur résidence secondaire et leur résidence principale, pour éviter la majoration. Un des bons points de l’élargissement de la zone tendue est qu’elle permet de comprendre quelles sont les priorités politiques des élus en matière de logement, et donc de nourrir le débat démocratique à ce sujet.

Mais il y a plus. Bien qu’on se focalise dans le débat public sur la taxation, la zone tendue contient bien d’autres dispositifs. Elle permet notamment aux communes de réglementer les locations de courte durée, sans avoir à attendre pour cela une autorisation préfectorale. Concrètement, cela permet de limiter la place prise dans une ville par des locations de type Airbnb. Saint-Malo l’a fait en fixant un quota de location de courte durée d’une par propriétaire, avec un pourcentage maximum de logements pouvant y être dédiés par quartier. D’autres villes font le choix de la compensation : les propriétaires mettant un bien en location de courte durée doivent aussi proposer du locatif classique. Ces réglementations existent depuis des années et produisent des effets. Bref, sans aller jusqu’à interdire les locations de courte durée, qui permettent à certains ménages de mettre du beurre dans les épinards, les réglementations permettent de limiter la place de ces locations, de protéger le logement à l’année, de casser les stratégies d’investissement de multipropriétaires spéculateurs. En Bretagne, l’application de ce genre de règles permettrait de faire rebasculer des milliers de logements vers un usage de résidence principale, sans construction supplémentaire.

Pour les communes soucieuses de défendre le logement à l’année sur leur territoire, il y a là un outil précieux, complémentaire d’ailleurs de la taxation sur les résidences secondaires. S’en saisiront-elles ? L’enjeu est fort, les cartes des locations de courte durée montrant que le littoral breton, mais aussi plusieurs grandes villes comme Rennes et Nantes, sont très touchées par le développement d’Airbnb et consorts.

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(1) Plestin compte 30% de résidences secondaires. Source des citations: Le Trégor, jeudi 29 septembre 2023, « La Taxe d’habitation majorée de 60% ».

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